Le présent rapport de recherche s’appuie sur une enquête qui porte sur les organismes culturels autochtones à but non lucratif du Québec ayant un conseil d’administration, ainsi que des employés autochtones. Cette démarche nous a permis de répertorier et d’identifier (six) organismes suivant une grille d’évaluation précise afin de présenter les informations trouvées, ces données provenant directement des organismes eux-mêmes. Par la suite, nous avons été en mesure de faire une brève analyse et de détailler certaines observations sur la conjoncture des principales infrastructures dédiées aux arts autochtones au Québec.
Les organismes identifiés sont : l’Espace Culturel Ashukan situé dans le Vieux-Montréal, le Musée amérindien de Mashteuiatsh, le Musée des Abénakis à Odanak, Le Musée Shaputuan à Uashat Mak Mani-Utenam, le Musée Huron-Wendat à Wendake, l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw à Oujé-bougoumou.
Brève analyse et observations :
En analysant les 6 organismes culturels qui constituent les principales infrastructures dédiées aux arts autochtones au Québec, nous observons un écart marqué en ce qui concerne le lieu et la location. Seul l’Espace Culturel Ashukan se situe en milieu urbain, hors réserve et est le seul locataire de son lieu. Un autre aspect important à soulever est le fait que l’organisme n’a jamais eu d’aide au fonctionnement de la part des fonds publics, ni privé depuis sa création en 2012. Ainsi, l’organisme doit davantage diversifier son financement (fédéral, provincial, municipal et privé) et est, par conséquent, contraint à réaliser des projets selon les critères d’admissibilité des bailleurs de fonds. Cette insécurité financière est également reflétée au niveau de son personnel. L’organisme a moins d’employés permanents que les organismes qui sont localisés en réserve et embauche davantage des contractuels.
Ainsi, les infrastructures situées dans les communautés autochtones bénéficient d’une stabilité financière considérable, en lien avec leur budget opérationnel, compte tenu des fonds octroyés par les conseils de bande. Toutefois, ce financement pour les organismes culturels en réserve est soumis au bon vouloir des élus en raison d’une seule enveloppe budgétaire qui est accordée par communauté pour défrayer les coûts des services aux citoyens (santé, éducation, sécurité, culture, etc.). Par conséquent, l’argent alloué à la culture dépend de la vision sociétale du conseil de bande et, plus particulièrement, les dossiers jugés prioritaires. Malgré tout, nous remarquons un besoin moins éminent d’avoir de multiples sources de financement.
L’Espace culturel Ashukan est le seul incubateur culturel autochtone dans la grande région métropolitaine de Montréal malgré une plus grande concentration de la population autochtone au Québec, soit 34 745 dans la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal1 selon Statistique Canada2. De plus, nous observons que la nature de son espace est plus restreinte que les infrastructures en réserve qui sont propriétaires3.
Dans le cadre de notre recherche, nous avons soustrait de la liste le Wapikoni mobile, un studio ambulant de création audiovisuelle et musicale dont son bureau chef (permanent/annuel/locataire) est situé à Montréal, en raison des critères mentionnés précédemment. Bien que l’organisme détient effectivement un statut d’organisme culturel autochtone et un conseil d’administration majoritairement autochtone, au niveau du personnel, sur 96 personnes employées par l’organisme, 1 seule personne est autochtone; le Wapikoni emploie 16 personnes de manière permanente dans son bureau chef et 80 contractuels pour travailler dans les réserves autochtones temporairement. Quant à, leur budget, il atteint 1,6 million $ par année, ce qui est nettement supérieur aux autres organismes répertoriés, et ce, avec un financement diversifié (INAC, CAC, CALQ, CAM, Patrimoine Canada, Fondation McConnell, Bombardier, René Malo et Telus) quoique majoritairement fédéral, notamment de Santé Canada4.
De manière générale, une des observations les plus marquantes est le fait qu’il y a très peu d’infrastructures dédiées aux arts autochtones au Québec, si nous comparons en particulier le nombre total des musées - spécialisés dans le domaine des arts inclusivement - sur le territoire québécois qui est répertorié à 74 incluant la liste des musées autochtones mentionnée dans l’analyse. De plus, nous remarquons que pour tous les organismes culturels autochtones dans la liste, aucun n’a le mandat de création. Il n’y a en effet aucun espace de création pour les artistes autochtones au Québec, ce qui a un impact important sur la valorisation des pratiques artistiques, la collaboration entre les artistes et la transmission du savoir. Sur les 74 musées au Québec, il y 4 lieux répertoriés consacrés à l’espace de création mais aucun au sein des infrastructures dédiées aux arts autochtones5.
En mai 2017, l’État des lieux sur la situation des arts autochtones au Québec convoqué par l’organisme théâtrale autochtone Ondinnok dans le cadre du Printemps autochtone d’Art 3 a permis de réunir à Tiohtiá:ke (Montréal) 50 participants, tant artistes que représentants d’organisations artistiques autochtones. Suite à cet état des lieux ainsi qu’à une série de consultations de plus de deux ans du gouvernement auprès des acteurs du milieu, un Manifeste pour l’avancement des arts, des artistes et des organisations artistiques autochtones du Québec, a été rédigé, signé par plus de 70 artistes et organisations artistiques autochtones du Québec, et déposé auprès de plus de 40 institutions politiques et artistiques allochtones et autochtones6.
Malgré tout, la conjoncture actuelle reste négligeable pour les infrastructures autochtones, ce qui est en grande partie dû au manque de financement dédié spécifiquement aux artistes et organismes autochtones. En comparaison avec le Conseil des Arts de l’Ontario qui a structuré son programme de subvention en 7 volets pour inclure et soutenir toutes les disciplines artistiques autochtones, compte un budget annuel de 760 000$7 et le Conseil des Arts de Toronto 345 000$8. Pour sa part, le Conseil des Arts et des Lettres du Québec et le Conseil des Arts de Montréal injectent pour la première fois un soutien aux artistes et écrivains autochtones pour un total de 167 599$ et 120 000$ pour le soutien aux organismes autochtones9, annoncé à l’État des lieux.
Au final, le développement des organismes culturels autochtones, l’épanouissement des arts autochtones dans son ensemble et l’absence d’espace de création dédié aux arts autochtones, sont intrinsèquement lié au financement inadéquat, et ce, malgré la sollicitude croissante des instances publiques et des gouvernements10 de créer des programmes adaptés aux réalités artistiques et socioculturelles autochtones. Une problématique qui affecte grandement les conditions de production des artistes et des organismes culturels autochtones.
Image de bannière: le photo est dans le cadre de la Nuit Blanche du 2 mars 2019. L’artiste Nico Williams a initié un projet majoritairement au sein des communautés artistiques et culturelles autochtones à Montréal. Chaque personne a fait un triangle en perlage de plastique. Pendant l’événement au Monument National intitulé Nuit Rouge, tous les triangles ont été créés et perlés ensemble pour réaliser cette oeuvre. Œuvre intitulée: Woven (2019) 18,900 HAMA Plastic Cylinders. Voici la liste des personnes qui ont participé: Craig Commanda, Renee Condo, Jackson Coyes, Léuli Eshraghi, Mylène Guay, Sam Guertin, Whitney Horne, Amanda Ibarra, Cory Hunlin, Caitlin McGuire, Nadia Myre, Scott Osborne, Shelley Ouellet, Wayne Robinson, Amanda Roy, Lydia Risi, Nico Williams, Kelsey Wilson, Sage Wright, Jean Philippe Massie Martel et Pierre Portelance.